Il gagne à être connu, on commence à le reconnaître...
À l'heure où l'ego trône sur le monde, la règle du « Moi je », « Je m'aime » est devenu pour certains un apanage obligatoire au point de croire que sans cela, tu n'existes pas, ce photographe a su en tirer parti.
Je m'aime, je m'affiche en très grand, je suis le plus beau, je suis le meilleur, je suis le plus drôle...
Il exploite l'égocentricité de ses clients, avec un humour photographiquement décalé, ses personnages bousculent et se bousculent pour avoir leur Myself...
Ce photographe est renversant !
Bonjour Monsieur Myself,
Tu vas inaugurer un nouveau type d'interviews chez Jingoo !
Nous allons nous immiscer davantage dans la matière que représente « une/un photographe ».
Ces nouvelles interviews vont être tournées vers la quête du sens, votre sens et vers quel sens vous allez.
Tu as été choisi en premier lieu. On pourrait penser que cela n'a aucun sens de te faire témoigner.
Tu as travaillé pour le compte de confrères mais néanmoins concurrents de nos services : DarQroom. Mais nous, chez Jingoo, on aime bien aller à contresens, celui qui est insensé... jusqu'au moment où ce sens devient pour certains, le bon sens.
Insensé : c'est ce que doivent penser de toi certaines personnes en observant ton travail photographique.
Quand on regarde pour la première fois un de tes Myself , on a la tête dans tous les sens.
C'est comme un peu « Où est Charlie » : il y a énormément de détails cachés.
En quelque sorte, lorsqu'un de tes clients achète un Myself, ce n'est pas une photo qu'il achète, mais une multitude de photos, dans tous les sens.
Mais attention ! Tout cela est orchestré de main de maître : pas d'improvisation pour le véritable professionnel que tu es.
J'arrête de t'encenser pour te passer maintenant, dans tous les sens, sur le grill.
As-tu eu une vie avant la photographie ? Et qu'y faisais-tu ? Pourquoi as-tu arrêté ?
J'en ai même eu plusieurs. D'abord des études supérieures pour faire plaisir à papa et maman... Je me suis retrouvé chez Rank Xerox d'abord et trader dans la finance ensuite... Rapidement, je me suis intéressé à l'humour. J'ai fait mes classes au Carré Blanc, où j'ai rencontré Jean Dujardin, Dani Boon, Bruno Salomone, Gérald Dahan et plein d'autres... Puis, c'est le BigDil où je deviens l'inconnu le plus célèbre de France en créant le personnage de Bill. En 2007, ma collaboration artistique avec la 1ère chaîne s'arrête. Je me lance alors dans la photo. Qui est ma passion depuis que j'ai l'âge de 16 ans...
Pourquoi as-tu choisi de faire de la photographie ? Pour l'argent ? La gloire ? L'amour ?
Les trois.
Aujourd'hui tu as un concept très intéressant entre les mains, les Myself. Travailles-tu cet aspect là pour en vivre ? Autrement dit, c'est avec ça que tu gagnes ta vie ?
Tout à fait. Après cinq ans de vaches un peu maigres, les commandes de Myself tombent beaucoup plus régulièrement.
Tous les photographes connaissent à peu près cette technique de « multi-exposition ». Le truc, c'est pas la technique chez toi, c'est ton imaginaire, ta capacité à écrire une belle histoire qui mettra en scène la personne qui t'a commandé son Myself.
C'est quoi la recette ? Comment t'y prends-tu ? Pas la recette technique là : je te parle du « tour de main »...
Pour le coup, on peut parler de recette. Quand quelqu'un fait la démarche de commander un Myself, je demande à mon futur client que nous nous rencontrions autour d'un déjeuner. D'abord, parce que c'est très sympa. Ensuite, parce que le contact se fait très vite - surtout quand le vin est bon, ce qui est souvent le cas - et qu'une relation se crée. Cette dernière est fondamentale pour que le client puisse se confier et se raconter. Il me parlera d'anecdotes et de souvenirs, de détails et de situations que je devrais - si la commande est passée - placer dans un Myself.
En moyenne, Combien de temps prends-tu pour réaliser un Myself ?
Ça dépend. De l'inspiration. Le Myself de Smain ne m'a pris qu'une journée. Au contraire, j'ai rendu ma dernière copie à une cliente il y a quelques jours à peine. Nous avions fait le shooting fin mars. Et puis, il y a des Myself que je commence et ne termine que des années plus tard. Voire que je termine, et que je recommence pour mieux les modifier. Mes techniques évoluent, et je suis toujours curieux de savoir comment des anciens Myself évolueraient avec ces dernières.
Quand tu auras vendu des Myself à tout le monde et dans tout le monde, tu feras quoi ? Autrement dit, qu'est-ce qui est en gestation d'ores et déjà dans ta tête ?
Que travailles-tu en douce ? Genre, ce qu'on appelle les travaux personnels...
As-tu déjà d'autres idées ou concepts photographiques ?
Je suis ce que l'on pourrait appeler un créatif. J'ai toujours des idées. Je les laisse maturer dans mon cerveau malade et au bout de quelques semaines, elles s'en vont car elles n'étaient peut-être pas très bonnes. Celles qui restent et s'accrochent, qui me poussent à aller de l'avant, je les note. Ensuite, je les développe. Pour te mettre dans la confidence, je travaille sur deux nouveaux projets : Hollywood Vintage et Family Mirror. Les noms sont provisoires mais les projets existent. Maintenant, entre les Myself à produire et le reste du boulot du photographe - blog, réseaux sociaux, communication, un peu d'administratif et de comptabilité - et ma vie privée, je te l'avoue : je n'ai pas assez d'heures dans la journée !
Tu as été choisi pour être exposé Outdoor au festival la photographie à Dax et ce, jusqu'à fin juillet 2016.
J'y suis allé, j'ai observé : les gens étaient arrêtés, conversaient, totalement scotchés devant tes photographies.
Ça...Ça ne trompe pas...
Je te sors du grill car tu vas finir par être trop cuit ! Je pense que tu es bien meilleur à point et là, c'est ton heure.
Les avant-gardistes sont souvent méconnus, jusqu'au moment où ils le sont...
Alors, garde ton avance tout en restant connu.
Merci Gilles. Merci Monsieur Myself.
De rien, monsieur Jingoo. Tout le plaisir a été pour moi.
Gilles Vautier c'est aussi d'autres types de photos, plus intimistes. Ce garçon a du sens, non ?
Son morceau de zik du moment ?
En ce moment, j'écoute beaucoup de la soul. Notamment «
Ain't no moutain high enough » de Marvin Gaye et Tammi Terrell. Ca m'aide quand je suis à sec...
Son film préféré ?
Son plat préféré ?
Penne au chorizo. C'est bon, c'est gras et c'est un plat de potes. A manger en hiver, but, yes, of course...
Voir tous les myself
Tout son travail, autre que les Myself - se trouve sur son site : www.monsieurvautier.com
Il a une tendresse pour cette série perso « Gueules de saint Vasst la Hougue », des personnages bien malmenés par la vie mais qui restent tellement dignes.
Il aime aussi, Lulu (sa chérie d'amour qu'il kiffe à bloc), Bali, New-York, la Chine, les fêtes de Formentera...
Tout cela façonne ses univers de couleurs et d'ambiance qu'il retranscrit le plus fidèlement possible dans ses photos...